Cyberattaques ou déclarations de guerre?
Le 6 décembre 1941, l’aviation japonaise bombarda la base américaine de Pearl Harbor, coulant deux cuirassés et faisant 2403 morts et 1178 blessés. Quatre-vingts ans plus tard, savez-vous comment une guerre mondiale pourrait être déclenchée ? Par une attaque informatique. Pas d’avions, de sous-marins ou de bombardiers. Que des hackers pitonnant sur un clavier.
UNE ARMÉE DE PIRATES
En fait, on peut dire que cette guerre est déjà commencée. Il y a quelques semaines, l’hebdomadaire américain The New Yorker a publié un reportage hallucinant sur les cyberattaques menées par le régime nord-coréen aux quatre coins du monde. On se croirait dans un film de science-fiction.
Ces dernières années, le régime de Kim Jong-un a mis sur pied une armée de pirates informatiques qui ne font qu’une seule et unique chose, 24 heures sur 24, sept jours par semaine : extorquer des entreprises étrangères. Armés d’ordinateurs extrêmement puissants, ces soldats nouveau genre, payés et entraînés par le régime nord-coréen, pénètrent dans les réseaux informatiques de grosses entreprises, leur volent des données hyper sensibles et paralysent leur fonctionnement. Puis ils demandent aux patrons de ces entreprises de payer une petite fortune pour retrouver l’usage de leur réseau.
Officiellement, les entreprises privées, universités et États qui sont victimes de cyberattaques refusent de payer, sous prétexte qu’on ne négocie jamais avec des pirates. Mais officieusement, la plupart le font. Et que fait le régime nord-coréen avec les millions de dollars qu’il extorque ainsi tous les mois ? Il finance son armée « traditionnelle ». En vue du grand jour où il pourra envahir son voisin du sud et réunir – enfin – le pays…
UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ
La Corée du Nord n’est pas le seul pays à se comporter de la sorte. La Chine et la Russie aussi utilisent une armée de pirates informatiques. D’ailleurs, lundi, les États-Unis, l’Union européenne, le Canada et la Grande-Bretagne ont condamné d’une même voix « le comportement irresponsable, perturbateur et déstabilisant du régime chinois dans le cyberespace » – comportement criminel qui, selon le secrétaire d’État américain, « représente une menace majeure pour l’économie et la sécurité des États-Unis et de ses partenaires ».
Un jour, il va falloir prendre ces attaques informatiques pour ce qu’elles sont : non pas de simples crimes contre la propriété, mais de véritables déclarations de guerre. Aujourd’hui, ces criminels à la solde de régimes délinquants attaquent des entreprises pour leur extorquer de l’argent. Mais un jour, ces soldats paralyseront des réseaux électriques, des systèmes de transport, des usines nucléaires ou même des réseaux d’approvisionnement en eau, en pétrole ou en gaz naturel. On fera quoi, alors ?
DE BONS PETITS FONCTIONNAIRES
Campagnes de désinformation, vols de données, extorsions à grande échelle, sans oublier les attaques par drones commandées à des milliers de kilomètres du théâtre des opérations : les guerres du XXIe siècle seront de plus en plus virtuelles. Les soldats ne manipuleront aucune arme, ne regarderont jamais leurs ennemis dans les yeux et rentreront chez eux à 18 h pour souper avec leurs enfants.
Comme de bons petits fonctionnaires. La guerre n’aura jamais été si propre. C’est ça, le progrès ?
Retrouvez la publication originale par Richard Martineau sur Le Journal de Montréal.